Alors pour notre petit rendez-vous hebdomadaire, c’est d’un reportage, cette fois, dont j’ai très envie de vous parler ! Il s’agit plus exactement d’un film-documentaire diffusé hier sur France 3 (mais qui était déjà accessible depuis 1 ou 2 semaines en ligne) et qui ne pouvait que nous intéresser : « La Culture du trop ».
Pour la petite histoire, Diane avait été sollicitée par le réalisateur : Nicolas Bideau, avec qui elle a longuement échangé par téléphone sur le métier de Professionnel de l’organisation, sur l’étude « Osez changer » menée avec l’ADEME, sur les enjeux de la sobriété et d’une consommation plus responsable, etc. Au final, les informations et conseils recueillis auprès de Diane et d’autres experts, auront ainsi, je cite : « contribué à guider l’écriture du film documentaire sur le rangement, « La culture du trop », comme l’a précisé Nicolas Bideau dans son mail nous informant de la date de diffusion du documentaire.
Nous y retrouvons aussi l’une de nos Certifiées Home-organiser : Corinne Renaud, Fondatrice d’Eclaircie Organisation, que nous avons eu plaisir à recommander dans le cadre de ce projet
Le concept
Ce film documentaire part à la rencontre des petites manies de la vie quotidienne pour dresser le portrait humoristique de notre rapport à l’habitation domestique. On y découvre différentes typologies de personnes, tantôt maniaques de l’ordre, tantôt bordéliques ou encore accumulatrices, mais ce qui est intéressant, c’est finalement d’essayer de comprendre ce qui leur convient ou les rassure dans leur mode de vie que tout oppose.
C’est ce point de vue objectif que j’ai trouvé très intéressant : à aucun moment on ne ressent de jugement, ni même de parti pris. Et, comme l’a dit très récemment Isabelle, l’une des stagiaires de notre promotion en cours, qui se reconnaitra sans doute : « ce documentaire est aussi une invitation à la tolérance« . J’ai trouvé ça très vrai, dans la mesure où chacun raconte son rapport personnel à l’objet, et où les arguments des uns, et des autres, se défendent.
Le documentaire est rythmé par les interventions, tantôt des experts, tantôt des protagonistes qui nous livrent leur vision à eux du bien-être, ou tout au moins nous racontent le mode de vie qu’ils se sont choisis. Ces différents témoignages nous amènent subtilement et de façon déculpabilisante, à nous interroger sur l’encombrement de plus en plus fréquent dans notre société, sur nos modes de consommation, et sur ce que notre tendance à être très ordonné, bordélique, minimaliste ou encore accumulateur compulsif, peut bien vouloir dire de nous. Selon moi, j’ajouterais également que le cœur du documentaire vise à s’interroger sur une question fondamentale : « Pour être heureux, faut-il nécessairement remettre de l’ordre chez soi ? ». Alors il va tout de même bien plus loin en dressant une sorte de constat sur l’évolution de la société de consommation, mais aussi sur une prise de conscience de plus en plus généralisée de ce fameux « trop ».
Focus sur les experts :
Différents experts interviennent donc de façon régulière, dont Valérie Guillard, Professeure, Chercheuse et Auteure dont le sujet de prédilection est le rapport à l’objet, Olivier Douville, psychologue clinicien, et Benjamin Pradel, sociologue urbaniste. Mais que serait un documentaire sur l’encombrement matériel de nos intérieurs sans l’intervention d’expertes en organisation et en rangement, représentées ici par Stéphanie Rabourdin, et Corinne Renaud, dont je vous parlais en introduction.
Focus sur les personnes suivis :
On y découvre donc 5 personnes, toute plus intéressantes les unes que les autres et dont les témoignages nous apprennent tous quelque chose.
Marianne, l’étudiante
Tout d’abord une étudiante, Marianne, qui s’est installée en couple dans son tout 1er appartement. Pour elle, l’ordre est avant tout un besoin. Elle va même, en guise d’exemple, jusqu’à disposer ses produits cosmétiques bien alignés et par ordre d’utilisation. La propreté a également une grande importance et pour elle, le rangement ne peut être dissocié du nettoyage. Elle nous confie toutefois que le ménage l’ennuie dans l’absolu, mais que quand elle s’y met, elle éprouve une sorte de libération, et qu’elle en profite pour réfléchir à tout un tas de choses. Une sorte de tête-à-tête avec elle-même « Si c’est rangé chez elle, c’est aussi rangé dans sa tête ». Voilà comment elle choisit de résumer son mode de vie.
On fait ensuite la connaissance de Candice Anzel, Coach familiale et Auteure de plusieurs livres dont « Je ne suis pas bordélique, je suis créative », co-écrit avec Jessica Cymerman. Elle se définit sans complexe comme bordélique et pour elle, les bordéliques ne se sentent pas culpabilisés dans la mesure où, n’étant pas dans le délire du rangement au carré, ils n’en n’ont tout simplement rien à faire. Et elle l’assure : ils peuvent aussi être heureux !
Pour elle, il n’y a rien de rassurant à voir les choses à leur place. On apprend que sa mère range par exemple les médicaments par ordre alphabétique, ce qu’elle dit trouver pratique mais à quoi elle n’adhère pas le moins du monde. Sans vouloir faire d’analyse de comptoir, on peut s’interroger sur la volonté consciente ou inconsciente de Candice à vouloir fuir ce qui lui apparait comme un comportement excessif et qu’elle définit comme étant bien trop normé.
Florence, la passionnée d’objets
À l’inverse de ce qu’on pourrait qualifier la norme (si toutefois elle existe), elle trouve plutôt rassurant qu’il y en ait un peu partout, « c’est plus vivant ». Quand tout est très rangé, elle a même plutôt tendance à être mal à l’aise.
On découvre ensuite une passionnée d’objets ! Florence Lacadec. Pour elle, les objets sont des aventures et je cite : « l’objet inutile a une grande utilité » : ils sont à ses yeux des étincelles de plaisir, de poésie. C’est une passion qui remonte à quelques décennies puisqu’elle écume les brocantes depuis ses 15 ans, à la recherche d’objets dont personne ne voulait. Les vieilles lettres, les vieilles boites de plumiers, bref, « les objets qui ont une vie » ! Et à la manière de Candice qui n’est pas très à l’aise dans un intérieur trop bien rangé, Florence n’est pas du tout à l’aise dans une pièce vide. C’est bien simple, elle ne pourrait tout simplement pas se passer d’objets. Ils lui sont comme une sorte d’autre monde dans une journée qui serait trop lisse.
Je fais un petit aparté pour vous dire que je trouve vraiment intéressant de découvrir ces différentes personnalités, tantôt pragmatiques et terre à terre, et tantôt empreintes de poésie ✨
Serge, le collectionneur
On nous présente ensuite Serge Gil, Collectionneur. Un personnage plutôt atypique, mais non moins intéressant. Son truc à lui ? Réunir des objets étranges pour créer un univers singulier dans lequel il se sent bien. Une collection qu’il stocke en partie dans son garage, avant de leur trouver une place chez lui. Attention, et il y tient, ne lui parlez pas de décoration, pour lui c’est tout autre chose : sa démarche consiste à trouver, aimer tel ou tel objet, et à l’intégrer ensuite dans son univers singulier. Il précise que « ces objets-là sont faits pour être admirés, pour être présents, pour dialoguer quotidiennement avec nous, pour peu que l’on ait ce désir, ce plaisir et cette passion-là ».
Mais ce qui est intéressant chez Serge, c’est que pour lui, c’est mathématique, mécanique et physique, « y’a un moment où ça sature » !
Et saturé, il l’est, mais il a tout de même choisi de bannir de sa conscience la question de la raison lorsqu’il s’agit d’acquérir un nouvel objet. Si un objet lui plait, qu’il veut l’avoir et l’intégrer chez lui, il va l’acquérir et puis « ben on voit en rentrant ». Comme il l’explique : c’est comme ça que ça marche. Mais quand cela devient ultra saturé comme c’est son cas, le problème se pose à l’arrivée de chaque nouvel objet. Il faut alors lui trouver une place temporaire, sur une table, à même le sol, mais « si on multiplie ça par 10 ou par 100, ça gagne du terrain, ça colonise, ça envahit ».
Même constat du côté de Florence, notre passionnée d’objets, qui est obligée de faire beaucoup de piles de livres, de courrier, d’objets, elle accumule beaucoup et elle l’avoue : c’est un problème. Elle dit même que parfois elle aimerait être quelqu’un d’ordonné… avant d’ajouter, « ou pas ! ». Et c’est toute la dualité intérieure que l’on comprend là, et nombreux sont ceux qui la subissent. Chacun aimerait pouvoir évoluer dans un intérieur que l’on construit à son image, sans se laisser déborder, étouffer, peu importe le mode de vie que l’on considère nous correspondre. Celui qui nous fait du bien !
Quand le rapport à l’objet devient un sujet de recherche…
Et celle qui en parle très bien, c’est Valérie Guillard. Nous la connaissons bien avec Diane pour son travail des plus intéressants sur les notions de rapport à l’objet et de sobriété. Diane l’avait d’ailleurs invitée à participer en 2018 à la toute première Journée Annuelle des professionnel.les de l’Organisation de la FFPO (La Fédération Francophone des Pros de l’Organisation pour ceux qui ne connaitraient pas encore) ! Elle était également l’une des 3 chercheurs qui ont participé à l’opération « Osez Changer », que l’on a menée aux côtés de l’ADEME pendant près de 2 ans.
Elle explique que notre société est très focalisée sur le rangement, et qu’en plus de l’engouement de Marie Kondo et différentes écoles de pensée, pour elle cela vient certainement et plus profondément d’un réinvestissement du lieu d’habitation. Habiter, c’est constituer un lieu à soi, qui nous ressemble, et dans lequel on est bien, dans lequel on se sent en sécurité et dans lequel on a plaisir à être. Elle le rappelle aussi : aujourd’hui, on y travaille, beaucoup plus qu’hier, et on ne fait pas que (comme c’était le cas 10 ans plus tôt) partir le matin et rentrer le soir. On a donc peut-être un intérêt supplémentaire à être mieux nous. Et le mieux chez nous, ça passe surtout par le fait d’avoir autour de nous, presqu’une esthétique de l’espace et de ne pas avoir énormément d’objets qui nous donnent une charge cognitive, ce qui reviendrait à réduire notre bien-être.
Si on en revient aux objets, ils ont toute leur place dans notre petit cocon, mais des objets choisis, qui nous ressemblent, des objets qui nous rappellent un bon souvenir. Pour Valérie Guillard, ils sont indispensables pour être bien chez soi et il est important pour sa santé d’être bien chez soi.
Des injonctions contradictoires
Dans ce film commentaire dont je ne veux pas non plus tout vous dévoiler, on nous parle de la société de consommation, des injonctions permanentes à acheter, à faire comme ci ou comme ça, avec la promesse que l’on sera ensuite plus heureux. Car derrière le rangement se cache une tendance à se sentir bien. Une aspiration permanente au bonheur, asséné comme une norme !
Je vous laisserai découvrir aussi l’intervention de Stéphanie Rabourdin, professionnelle de l’organisation venue en aide à Jennifer qui croulait sous un amas de papiers administratifs et personnels qu’elle tentait de cacher sous un tissu mais qui la plombaient, « comme une impression d’être tirée vers le bas ». Elle nous parle ensuite des bénéfices qu’elle a retirés de l’expérience et pour elle : « c’est accessible à tout le monde de reprendre sa vie en mains ! ».
Les interventions de Benjamin Pradel, Sociologue Urbaniste, étaient très intéressantes aussi. Il définit le rangement comme étant la manière dont on organise son intérieur et son chez soi pour le rendre le plus fonctionnel possible pour pouvoir faciliter et simplifier sa vie quotidienne et les actes de la vie quotidienne à l’intérieur de chez soi.
Comme il le dit : on consomme plus, on a plus d’objets, mais dans des logements qui ont moins d’espace pour les ranger. Exit les placards intégrés dans les logements, parce qu’on a voulu gagner en surface pour pouvoir vendre du logement plus grand et rationnaliser l’espace.
Des logements de plus en plus petits
J’ajoute le fait qu’on a aussi vu progressivement disparaitre les cuisines au profit d’un morceau de salon/salle à manger, et que les espaces de vie sont de plus en plus petits comme en témoigne notamment une étude de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal) publiée fin août 2021 sur l’évolution des logements neufs au cours des 20 dernières années en région parisienne. L’élément principal qui en ressortest justement la diminution des surfaces dans le logement.
Eux aussi mettent l’accent sur la disparition des placards de nos foyers mais aussi la disparition des caves, espace de stockage bien pratique ! Une autre étude « L’État des lieux du logement des français » affirme que seulement 4% des logements construits après 2009 possèdent une cave, contre 50% avant 1945. Même constat pour les greniers où on est passé de 22% à seulement 6% après 2009.
Si le sujet des petits logements vous intéresse, je vous invite à écouter (ou réécouter) l’épisode n°33 de @radiopo qui s’intitule « Petites surfaces, micro-habitat : l’art (ou la nécessité) d’optimiser les petits espaces ».
Autant de problématiques qui, cumulées les unes aux autres, nous amènent à comprendre la difficulté grandissante de nombreux foyers qui se sont ainsi vu envahir progressivement et qui ne savent plus comment s’en sortir.
Et justement, comment s’en sortir ?
Mais heureusement, il existe des solutions comme de faire appel à un professionnel de l’organisation, home-organiser, pour être accompagné.e dans cette démarche de rangement et de réappropriation de son chez soi, et même plus globalement, de sa vie. On peut aussi s’ouvrir progressivement à de nouveaux modes de consommation, plus modérés et plus responsables, explorer la seconde main avant d’acquérir un nouvel objet, se donner un délai de réflexion avant d’acheter quelque chose, donner une seconde vie aux objets dont on ne veut plus ou dont on n’a plus besoin, bref rentrer dans un système de consommation raisonnée et réfléchie tenant compte avant tout de nos besoins et de nos envies, parce que oui, on peut aussi se faire plaisir ✨ (et heureusement !).
J’espère vous avoir donné envie de visionner à votre tour ce film-documentaire que vous retrouverez dès à présent en replay sur France Télévisions. Là aussi, n’hésitez pas à nous donner votre avis 😊
Je vous souhaite une belle fin de semaine et un très bon week-end, et on vous donne rendez-vous dès vendredi prochain pour un tout nouveau billet de blog !
Barbara Rolland
Ressources et sources en lien avec l’article :
- « La culture du trop », film-documentaire, France 3, 2023
- « Nos logements, des lieux à ménager », Etude IDEHAL
- « Osez changer : mieux consommer, vivre plus léger », l’ADEME, 2022
- « Petites surfaces, micro-habitat : l’art (ou la nécessité) d’optimiser les petits espaces… », L’Académie des Pros de l’organisation, 2023
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